Qu’il s’agisse de théâtre, de photographie ou encore d’images en mouvement, à mes yeux c’est toujours une histoire de distance. Celle qui ouvrira un imaginaire, une émotion, une réflexion. Dernièrement, je posais la question à la photographe Véronique Ellena : « Penses-tu que l’état dans lequel on est au moment de déclencher se retrouve dans l’image, penses-tu qu’il la modifie ? ». Et elle de répondre « Bien sûr ! ». Et c’est bien ce qu’il m’avait secrètement semblé ; dans cet état de tension et d’attention, ce qui nous traverse au moment de déclencher se diffuse et infuse imperceptiblement dans l’image (je ne parle là que du moment de déclencher, quand toute la mise en œuvre est faite).
Cet endroit indicible de concentration et de désir est comparable sur un plateau et derrière un appareil photo.
Comme un condensé de présent. Un extrait. Comme on extrait des huiles qu’on espère essentielles et qui vous colleront aux basques comme un extrait de naissance ou de casier judiciaire.
Théâtre et image me semble étrangement proches parfois.
«L’humain est sauvage, indomptable et déchaîné quand il est assailli de désirs sans espérance. Ce n’est qu’à force de bien regarder, qu’à force de voir qu’on s’apaise, qu’on appartient à nouveau au monde, qu’on comprend, qu’on trouve un peu sa place étrange et précise dans l’univers enchamaillé. L’attention sauve, la vraie, celle qui nous fait traverser les années et les tâches, chaudement hantés par notre vision, notre désir d’apprendre, de dompter les mystères, d’apprivoiser l’effroi et la beauté. Être humain, c’est être à l’affût, et chassant, aux aguets. Nous ne sommes pas nés pour assister béat au spectacle de la nature, des êtres et de l’histoire.(…)
Se savoir vivant, c’est se savoir non pas protégé et spectateur mais marchant, cherchant, fouillant à la fois téméraire et incertain, inquiet, espérant, n’ayant qu’une semaine, qu’un jour, pour voir, connaître, comprendre (…). »
R. Lalonde